2.2. Prisons et colonisation
- Des prisons en Afrique : expériences, modèles et circulations
- 2024
- 13 min 37 s
- Français
Publié le 31/10/2018
L’implantation coloniale a coïncidé en Afrique avec une inflation des incarcérations qui, sous couvert de « mission civilisatrice » des européens qui voulaient moraliser les modes punitifs africains jugés trop cruels, ont servi à assujettir et contrôler les populations locales. En Afrique, la prison a souvent été utilisée pour contrôler les territoires et mettre les hommes au travail, plutôt que pour réformer moralement les individus comme en Europe. Dans les territoires colonisés par la France où le Code de l’indigénat favorisait l’arbitraire, comme dans les empires coloniaux où l’indirect rule était censé respecter les coutumes indigènes, la justice coloniale était une justice d’exception. La prison reflétait la ségrégation raciale des systèmes coloniaux et les conditions de détention favorisaient le dénuement, les problèmes sanitaires et les rébellions. Les criminels européens bénéficiaient de conditions de détention bien meilleures que les Africains, avec des rations alimentaires améliorées, des cellules individuelles et un accès plus facile aux visites et à la correspondance. En revanche, les Africains étaient souvent enfermés dans des cellules collectives et subissaient des conditions de vie spartiates.
De timides réformes après la Seconde Guerre mondiale ont eu des effets négligeables sur les systèmes carcéraux, qui ont été légués dans une situation piteuse aux nouveaux États indépendants africains dans les années 1960. Cette situation a laissé un héritage carcéral problématique qui perdure en partie aujourd'hui.