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2.3. Prison et travail pénal en colonie

  • Des prisons en Afrique : expériences, modèles et circulations
  • 2024
  • 13 min 48 s
  • Français

Publié le 31/10/2018

Christine Deslaurier et Romain Tiquet explorent l'utilisation de la prison et du travail pénal en Afrique coloniale. L'analyse de Rusche et Kirchheimer sur la relation entre les systèmes de production et les méthodes punitives est particulièrement pertinente pour comprendre le contexte colonial. La colonisation reposait non seulement sur un contrôle social, mais aussi sur l'exploitation économique des populations indigènes. Dans l’Afrique colonisée, la prison a permis de contrôler la population tout en fournissant une main-d’œuvre à bas coût pour les chantiers publics et privés de la « mise en valeur » des territoires. Le discours moral sur la rééducation au travail masquait en réalité des objectifs productivistes. L’enjeu de la mise au travail a ainsi été articulé au déploiement carcéral comme mode d’assujettissement social : la prison a rempli un rôle économique important pour la production agricole et les infrastructures coloniales, elle a été une réserve de main-d’œuvre et un système de contrôle des corps.

Le travail pénal était réglementé dans les colonies françaises à partir de 1927, mais les détenus européens n'étaient pas soumis à ces obligations. Les détenus indigènes, en revanche, pouvaient être condamnés pour des infractions mineures comme le non-paiement de l'impôt et soumis au travail pénal, ce qui a massifié l'usage de la prison en Afrique coloniale. Les conditions de vie des détenus dans ces camps étaient éprouvantes, avec des journées de travail longues et épuisantes, des conditions de logement précaires, et des risques constants d'accidents de travail. Les prisonniers ont néanmoins développé des stratégies de résistance face à ces contraintes.

Le travail pénal a perduré jusqu'à la veille des indépendances africaines, malgré l'abolition officielle du travail forcé en 1946. Certains détenus ont continué à être exploités dans des entreprises privées, comme les salines au Sénégal, jusqu'à la fin de la période coloniale. Aujourd'hui, bien que la logique de l'enfermement productif ait évolué, le travail pénal existe encore, principalement comme moyen pour les détenus d'améliorer leurs conditions de vie en prison.

Contribution
Christine Deslaurier
Romain Tiquet

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